Manif ACTA

03/02/2012 03:44

 

A l'appel des Anonymous,
plusieurs centaines d'internautes 
ont manifesté
le 28 janvier 2012
en France, dans 36 villes,

"pour un Internet libre".

 

 

Loi ACTA en Europe, fermeture de MegaUpload, loi Hadopi en France, SOPA aux Etat-Unis... Face au nouvel arsenal contre le téléchargement illégal, les mouvements de protestation se multiplient sur le Web comme dans la rue. 

Nerveux, les traits tirés, Alan patiente au pied de l'Opéra Bastille. Ni le froid parisien ni les 350 kilomètres qu'il a dû faire en auto-stop pour se rendre dans la capitale n'ont eu raison de sa détermination. Debout depuis 6 heures du matin, le jeune développeur et administrateur réseau, cheveux mi-longs, yeux mi-clos, observe avec satisfaction grossir la foule des manifestants réunis à l'appel du collectif Anonymous pour un Internet libre. Combien seront-ils à venir protéger son monde? Cet univers virtuel fondé sur le partage se trouve plus que jamais menacé. "Les industries culturelles exercent un puissant lobbying au niveau mondial pour obliger les fournisseurs d'accès à Internet à faire la police sur la Toile et nous empêcher d'échanger films et musique. Nous sommes une parade, un rempart. Ce n'est pas en restant les fesses rivées à son fauteuil que l'on fera bouger les choses", martèle-t-il. 


Le Parlement européen doit se prononcer dans les prochains mois, mais, d'ici là, Alan n'entend pas relâcher la pression. Pour l'occasion, lui et d'autres manifestants ont revêtu le désormais célèbre masque blanc reproduisant les traits de Guy Fawkes -un conspirationniste anglais du XVe siècle qui voulut dynamiter la Chambre des lords- symbole de la résistance aux pouvoirs. "Nous reprochons aux instances financières ou gouvernementales de limiter l'accès à la culture. Le droit à la connaissance n'est pas monnayable ou, du moins, pas dans les proportions actuelles, d'autant que notre argent sert malheureusement à engraisser les oies déjà bien grasses que sont les majors et très peu les artistes!" s'emporte Anonymixis, à l'origine de l'appel. Et d'avancer des chiffres. Le cinéma français a connu une année record, avec plus de 200 millions d'entrées, et le marché de la musique n'a reculé que de 3 % en 2011. Sur Facebook, le groupe Anonymous a exhorté les internautes français à défiler, le week-end dernier, dans 36 villes pour s'opposer à l'accord mondial de lutte anticontrefaçon (Acta), signé par 22 pays européens, dont la France. Le texte prévoit une coopération internationale accrue sur le contrôle des biens culturels mais aussi des produits de luxe et des médicaments. 

Les manifestations pacifiques ont leurs limites

Plus faibles que les puissances qu'ils affrontent, plus dispersés aussi et sans leaders attitrés, ces anonymes se dressent derrière un même slogan: "Nous sommes légion." Mais pour se faire entendre, les manifestations pacifiques ont leurs limites. Les internautes sont donc passés aux actes en s'attaquant à des sites Internet officiels, comme celui de l'Eglise de scientologie, ou ceux de Visa et de MasterCard, qui bloquaient le financement de WikiLeaks. Non sans débordements parfois:Lexpress.fr en a fait les frais à la suite de critiques émises sur l'action de ce collectif. Les responsables ont alors aussitôt été rappelés à l'ordre, car les Anonymous ont aussi leurs règles. 

Désormais, l'industrie de la culture et du divertissement est devenue leur cible. La création de l'autorité contre le piratage, Hadopi, avait déjà suscité des protestations en France. Mais la fermeture par le FBI du site de téléchargement MegaUpload, le 19 janvier, a fini de les révolter. Utilisé par plus de 180 millions d'internautes, il mettait à disposition des milliers de films, de jeux vidéo et d'albums musicaux. Son fondateur, l'Allemand Kim Schmitz, 38 ans, a été arrêté dans sa villa d'Albany, en Nouvelle-Zélande, où il menait grand train. Son activité aurait coûté un demi-milliard de dollars à l'industrie culturelle. Si ses principaux acolytes ont depuis été libérés sous caution, Kim "Dotcom" reste en prison. Ses fidèles récusent les charges qui pèsent contre lui (voir l'interview page 67). "On voit bien que les majors n'hésitent plus à user de leurs pouvoirs. Il est de notre devoir de riposter", souligne Laurent Le Besnerais, 36 ans, un ancien membre du Parti pirate.  

En représailles, plusieurs assauts ont déjà été lancés contre des sites Internet. Tour à tour, Vivendi (Universal Music), Sony, ou encore l'Elysée, pour avoir salué l'opération américaine, ont été noyés sous un flux continu de requêtes. Car si les Anonymous ne cautionnent pas l'enrichissement des créateurs de MegaUpload, ils contestent la disproportion des moyens de défense mis en oeuvre et la destruction, ces jours-ci, de données personnelles hébergées légalement (photos de famille, documents...). 

Les ayants droit et les pirates s'affrontent

A 700 kilomètres de là, dans les travées du palais des congrès de Cannes (Alpes-Maritimes), l'ambiance est bien différente. Les professionnels de la musique, réunis au Midem, se félicitent tous de la disparition de MegaUpload. "Depuis l'action du FBI, les vraies questions sont posées. Deux camps s'affrontent: les ayants droit et les pirates. Laisseriez-vous vos enfants défiler pour des gens qui encouragent la contrefaçon?" questionne Marc Thonon, patron du label indépendant Atmosphériques. Les inquiétudes du moment portent plus sur l'avenir de la loi Hadopi et la position du Parti socialiste que sur les manifestations en cours. "On construit un Internet civilisé avec abonnement et téléchargement légal. Il est normal qu'il y ait des réticences, les gens sont habitués depuis dix ans à la culture de la gratuité", ajoute Denis Ladegaillerie, président du Syndicat national de l'édition phonographique (Snep). 

Les internautes, eux, ne sont pas prêts à baisser pavillon. "Le public aussi a des droits, et l'avenir de notre liberté est en jeu", clame Jérémie Zimmermann, cofondateur de la Quadrature du Net pour la défense des citoyens sur Internet. Rendez-vous est déjà pris pour un grand défilé au mois de mars, à Paris, avec un mot d'ordre: "Que le réseau s'exprime